« Les images du mythe doivent être les esprits tutélaires invisibles et omniprésents, propices au développement de l’âme de l’adolescent, et dont les signes annoncent et expliquent à l’homme fait sa vie et ses combats ». Nietzsche
1. État des lieux
An 2000 : nous sommes bien loin de Nietzsche ! Selon un auteur d’ouvrage d’éducation sexuelle intervenant dans les écoles, la moitié des enfants de 10-11 ans ont déjà vu un film porno. Une étude commandée par le CSA indique que 11 % des enfants de 4-12 ans des foyers abonnés à Canal + ont été en contact pendant au moins 1 minute avec un film X, pourtant diffusé entre minuit et 6h00. Le Collectif Inter associatif « Enfance et Médias » (CIEM) soulignait pour sa part, en avril 2002, que les enfants passent énormément de temps devant la télévision sans accompagnement.
En ce début de siècle, le porno est partout, il n’est plus réservé aux ghettos des sex-shops et des salles spécialisées. Depuis l’arrivée massive des cassettes vidéo dans les années 80, du minitel rose et enfin de l’Internet, il n’est désormais plus honteux d’aimer le porno et de le dire. Et ce ne sont plus seulement les adultes qui se divertissent mais également les ados, voire les préadolescents qui « s’instruisent »…
D’après les calculs du CSA, chaînes hertziennes, câblées et par satellites proposent chaque mois 840 diffusions de films X, en totale infraction avec « Télévision sans Frontières », destinée à harmoniser les législations des pays de l’Union européenne. Cette directive stipule que les chaînes ne doivent présenter aucun programme susceptible de nuire gravement aux mineurs, notamment des scènes comportant de la pornographie. Or l’instance française de régulation a constaté un « accroissement important de la diffusion de ces programmes et (…) à travers les mesures d’audience, qu’un nombre non négligeable de mineurs y sont exposés« .
Pourtant, dans les années 60/70, nombreux étaient ceux qui pensaient que davantage de pornographie entraînerait moins de frustration, donc moins de violence sexuelle.
C’était dans les années 70, les années « soft », avant la déferlante du « hard » aujourd’hui disponible en kiosques !
Rappelons que le premier « nu frontal », jambes croisées, n’était paru dans « Playboy » qu’en 1970. La fameuse « guerre pubique » entre « Playboy » et « Penthouse » avait ensuite initialisé l’escalade vers la précision « gynécologique » des images, avant qu’ »Hustler » ne surenchérisse vers le sado-masochisme.
2. La pornographie
Qu’est-ce que la pornographie ? Est-elle, comme l’écrivait Alain Robbe-Grillet, l’érotisme des autres ?
Sur le plan étymologique1, le mot « pornographe » (emprunt au grec tardif, 1769), vient de la racine porno-graphos « auteur d’écrit sur la prostitution ». Porno vient de Pornê « prostituée » qui vient lui-même de pernênai «vendre », entre parenthèse : vendre des marchandises, des femmes-marchandises.
A la renaissance le mot existait déjà (1158, Nicolas Edouard) mais désignait un traité sur la prostitution.
Vers 1800, le mot se dit d’une représentation (par dessins, écrits, photos) de choses obscènes. « Par extension il désigne une représentation directe et concrète de la sexualité, de manière délibérée, en littérature, dans les spectacles2 ».
La pornographie serait une mise en scène. Un texte, un récit, un film, une image, une représentation sont érotiques s’ils jouent sur le symbolisme des situations, et visent en premier l’excitation sexuelle.
Ils sont pornographiques quand ils visent la jouissance sexuelle par une exposition au premier degré de l’acte sexuel, sans symbolisation.
Nous sommes d’emblée dans une dialectique de pouvoir puisque le mot désigne bien la « femme-marchandise ».
Aussi loin que remonte l’histoire, on la retrouve à travers les textes.
La définition retenue par le droit français est proche de celle choisie par Justinien en 533 apr. J.-C. : « femme qui se donne publiquement pour de l’argent et non pour le plaisir ».
Ainsi à Athènes, au Vème av. J. C., Solon organisa des dictérions pour le plaisir des citoyens. Les tenanciers de l’époque s’appelaient des pornothropos.
Les fameuses hétaïres, courtisanes de haut rang ne se mêlait pas avec les esclaves.
A Rome, les lieux d’exercice de la prostitution s’appelaient les lupanars, et la prostituée était une méretrix, celle qui tire de l’argent du corps. Loin d’être méprisé, ce commerce avait sa patronne Flora honorée chaque année.
L’histoire nous montre que la pudeur, malgré les apparences « est une valeur beaucoup mieux protégée dans notre société contemporaine qu’elle ne le fut dans les siècles antérieurs »3.
Nancy Huston4, reprenant l’étymologie du mot « prostitution » insiste sur un clivage entre l’instance féminine et l’instance intellectuelle. Citons la : « Le mot pornographie (…) vient du grec porné, « putain », et graphein, « écriture ». En la matière tout se passe comme s’il fallait que les femmes se taisent pour que les hommes puissent discourir ».
La pornographie a-t-elle toujours existé ?
Notre opinion est que la pornographie, qui est la représentation non symbolique de scènes sexuelles, est corrélative de la disparition des rituels sociaux destinés à la sexualité.
L’individu n’existait autrefois que comme un élément d’un groupe social qui devait maintenir sa cohésion et conserver sa propre homéostasie pour survivre.
La réglementation de la sexualité a du être un des premiers éléments de civilisation.
Comme nous le montre l’apparition des premiers rituels autour de l’accouplement des époux (Chine, époque Tchow), afin de satisfaire les ancêtres pour qu’ils donnent de beaux descendants, la ritualisation de la sexualité est apparue pour gérer les relations entre les forces obscures (les morts) et les vivants. Ensuite, cette réglementation a servi le groupe pour protéger les biens et l’ordre social.
L’acte sexuel était partie intégrante d’un contexte en plus de sa fonction physiologique.
A partir du moment où le groupe social a été dégagé des problèmes de survie, où les croyances au monde des esprits ont disparu et où la tendance est allée vers l’individualisation, nous pouvons imaginer que cette énergie sexuelle s’est trouvée sans objet. Eros et Thanatos avaient toujours été liés dans l’extase sexuel et voilà que Thanatos disparaît.
Que faire de cette énergie ?
De la « consumation » ou de la panne sexuelle ?
Quel est le propre de la pornographie ? C’est le partage sans partage. L’illusion par l’excitation de la zone visuelle. Les sens ne sont pas en jeux. C’est une représentation. Pas de toucher, pas d’odorat, pas de goût, pas de corps …
L’excitation est augmentée par la part de voyeurisme, et se nourrit du désir imaginé des autres.
Nous ne nous étendrons pas sur les différentes modalités de la pornographie. En gros, les films X sont caractérisés par des images et des situations irréelles, avec des femmes insatiables, soumises à l’état d’objet et contentes de l’être, masochistes à souhait … et des hommes dominants et fortement membrés, d’infatigables étalons résolus à donner des complexes à la moitié masculine de la planète. Les scénarios ne pouvant pas se multiplier à l’infini et l’imagination étant limitée par le support, la tendance va vers le « hard ». L’image doit de plus en plus choquer.
3. Ce que dit la Loi
Chaque état répond à sa manière à la prostitution : soit par une législation prohibitionniste, réglementaire, ou abolitionniste, c’est-à-dire par une absence d’organisation juridique.
C’est cette dernière qu’a choisi la France après une législation de tolérance.
En fait, ne seront sanctionnés que les aspects de proxénétisme.
En ce qui concerne le commerce de la pornographie, l’évolution des mœurs étant ce qu’elle, la réglementation, devenue moins rigide, autorise l’exploitation commerciale à condition qu’elle soit discrète et éloignée d’un établissement maternel, primaire ou secondaire (pas à moins de 100 m). La loi dit : « Le fait soit de transporter, de fabriquer, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, soit de faire commerce d’un tel message est puni de trois ans d’emprisonnement et de 500 000 francs d’amende lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur » (art. 227-4, NC pén.)5.
Les établissements fournissant soit des objets, des spectacles, des journaux, des cassettes, ou bien des films à caractère pornographique doivent obéir à ces règles sous peine de condamnation. Mais « aucune disposition ne limite l’accès des enfants de moins de douze ans pour la vente ou la location de sa cassette ou de son DVD . De même pour un film interdit aux moins de seize ans ».
Les cinémas X ont vu le nombre de spectateurs passer de 10% de l’ensemble du public du cinéma en 1972 à quelques milliers en 2000. La raison vient simplement de la pression fiscale devenue prohibitive.
Ce commerce est allé s’installer beaucoup plus insidieusement sur le Net.
Bien que la législation soit passée de la protection des personnes et des biens à celle des mineurs, il reste encore bien des lacunes et les enfants « profitent » des oublis ou négligences des adultes qui laissent traîner de telles cassettes.
4. Le rôle des médias
Elles apparaissent toutes complices du « consensus pornographique ».
Les chaînes de télévision ont diffusé, chaque mois, 943 films à caractère pornographique (Le Monde du 10 juillet 2002). Sans compter ces émissions exhibitionnistes qui mettent le téléspectateur en position de voyeur.
Serait-il allé chercher lui-même ce spectacle ?
L’envahissement médiatique est tel que l’on ne peut pas ne pas être voyeur ou pornographe.
Un adolescent témoigne, sur le « chat » d’un site Internet, que même s’il cherche à éviter le pornographique il ne peut pas y échapper car en ouvrant simplement la télévision il tombe sur une chaîne dont l’invité est une star du « hard » qui vante ses performances (nombre de partenaire, temps d’érection phénoménal, etc.).
L’exhibitionnisme devient l’usage. Même certains hauts responsables politiques cèdent par narcissisme personnel et aliénation collective à cette mode et n’hésitent pas à aller se « déshabiller » publiquement dans des émissions à caractère scandaleux pour ne pas dire ridicule.
« Ce qui apparaît au plus grand nombre comme la conséquence malheureuse d’un travers du moment, comme « un dommage collatéral » ainsi que le formulent si bien nos stratèges, est un fait inconsciemment voulu et recherché. Le matraquage de tous les sujets sensibles, enfants, adolescents, personnes fragiles, par des images pornographiques de plus en plus violentes n’est pas l’effet indirect de l’exhibitionnisme ambiant, c’en est la raison d’être6 » se scandalise le psychanalyste Gérard Bonnet. Il estime que les responsables de ces images assouvissent, en les diffusant, une jouissance perverse d’une très forte intensité.
La règle du profit sur tous les plans prend le pas sur le devoir d’éducation de l’état, état qui, par démagogie, profit ou incapacité, n’a aucun projet éducatif à long terme et ne cesse de courir après des solutions qui font office de pansements sur des blessures inguérissables.
« Dans le monde où nous vivons et qui n’a jamais été aussi étendu, compliqué, stratifié, il n’y a qu’une manière de percer : recourir aux moyen qui frappent le plus grand nombre7 ». La règle du « double lien » joue à tous les niveaux (achetez une voiture puissante mais ne dépassez pas la limitation de vitesse) et cela dans une parfaite connaissance du problème puisque le Ministère de l’Education Nationale vient de reconnaître que la pornographie est, bien souvent, la seule information dont dispose les adolescents pour s’informer sur ce qui se passe dans l’acte sexuel.
Mais les jeunes ne sont plus à la recherche de « comment on fait les bébés » mais des secrets des corps dont ils ont déjà une intime conviction et une intime connaissance.
Ils ont besoin de vérifier s’ils sont comme tout le monde. La pornographie est pour eux ce qui s’approche le plus de cette connaissance car il n’y a pas de véritable discours sur l’amour – et pour cause : ce qui s’y passe dans le secret des corps est indicible. Puissent-ils aussi recevoir ce message.
Pour revenir aux moyens qui frappent le plus grand nombre, il y a des règles, et les médias ne se privent pas de les appliquer : lois du marché oblige.
5. L’importance des modèles
Le comportement culturel se transmet par imitation. L’enfant apprend en imitant ses parents, puis ceux de son clan, puis ceux de son milieu, puis ceux de son pays, et enfin ceux de sa religion. Nos cerveaux s’approprient les comportements d’autrui.
Aucune loi n’a encore mis en évidence cette propagation de la culture, mais certains chercheurs ont proposé des modèles théoriques inspirés des mécanismes qui dirigent l’évolution des organismes vivants, telle la « mémétique ».
Cette approche formulée, par le biologiste Richard Dawkins, propose le concept de « mêmes », sortes de « pixels » élémentaires – comme les gènes – qui constitueraient les cultures. Les « mêmes » les plus fréquemment copiés par notre cerveau tendraient à devenir dominants. Cette hypothèse, encore improuvable, a l’intérêt d’ouvrir une voix de recherche sur les comportements.
Dans notre culture occidentale, le « modèle masculin » se définit surtout par le trio de valeurs « puissance, pouvoir, possession » auxquelles s’ajoutent l’agressivité, la liberté, le contrôle et l’individualité.
Ces valeurs sont renforcées dès le plus jeune âge par l’éducation et le contexte culturel. Le garçon est sollicité pour être mis en compétition et gagner. Son corps a une fonction instrumentale uniquement. Les valeurs de féminité sont refoulées et jugées dévalorisantes. Il apprend à être dans la logique et la performance. La caricature actuelle est « le cadre dynamique ».
La femme est définie par rapport à un profil esthétique. Son corps doit être susceptible de provoquer le désir. L’éducation renforce les valeurs de soumission et d’apparence. Elle est « gavée » pour plaire. Elle doit se conformer aux critères de beauté et de comportement féminin (passivité, docilité, disponibilité, douceur). Mais nous verrons à travers le questionnaire que les exigences de performance commencent à la toucher de plus en plus à l’école.
La publicité, la télévision, le cinéma et les nouveaux médias reprennent ces clichés et influencent significativement la perception de la sexualité et des relations entre les sexes.
Chacun reproduit, à son insu, des comportements dictés par ces médias.
Les films érotiques reprennent les images stéréotypées et sexistes et présentent comme érotiques les rapports de force et les inégalités sociales.
La femme y est montrée nue ou est légèrement vêtue, tandis que l’homme est habillé ou peu montré par la caméra s’il est nu. Lui est présenté comme ayant un rôle dominant dans l’initiation des comportements sexuels, en revanche, la femme qui prend l’initiative est dépeinte comme anormale voir hystérique et dangereuse (Fatal Attraction, Basic Instinct, Fatale). Elle y est jeune, belle, mince, l’homme est généralement plus vieux, avec un statut social important. Elle préfère la pénétration vaginale et atteint – on ne sait trop par quel miracle – l’orgasme au bout de quelques secondes, lui est habile et sait faire jouir sa partenaire, etc.
Quel que soit le produit à vendre, la femme est montrée dans des postures d’attente – voir des postures pornographiques – (assise, jambes entrouvertes, le chemisier détaché, la bouche humide et ouverte, les yeux mi-clos ou le regard vague, etc.), ou encore à quatre pattes, le dos cambré, dans une position qui n’a rien à voir avec le shampoing ou la boîte de petits pois mentionnés.
Les femmes doivent être frêles, faibles et vulnérables. L’homme y est musclé, viril, puissant, et libre de toute responsabilité familiale.
S’agissant de la perception de stéréotypes masculins chargés par les médias auprès d’adolescent, une étude américaine faite par des chercheurs de Children Now révèle que les homme sont perçus comme :
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obsédés par les femmes ou les filles
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violents et colériques
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dominants ou capables de résoudre tous les problèmes
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drôles, sûrs d’eux et réussissant bien, athlétiques
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ne pleurant jamais et ne laissant pas paraître leurs faiblesses
-
surtout pas « sensibles ».
Si nous avons, en France, les mêmes modèles dans notre publicité ou dans les films pornographiques, heureusement, le cinéma français a parfois un peu plus d’humour et nous serions bien en peine de trouver actuellement un acteur présentant toutes ces particularités.
LES EFFETS A LA LUMIÈRE DE LA PSYCHOLOGIE
1. Les conséquences collectives
D’abord quelques chiffres.
On constate, depuis l’accès facilité à la pornographie, une criminalité sexuelle en pleine expansion. Sa banalisation s’est accompagnée, partout en Occident, d’une escalade fulgurante de la délinquance et de la criminalité sexuelles.
En France, de 1985 à 1990, le nombre de plaintes pour viol a augmenté de 62 %, soit presque 10 % par an, une progression impossible à réduire à la tendance accrue des victimes à porter plainte. Faut-il voir un lien de cause à effet entre la massification du marché pornographique et la montée de la violence sexuelle ? La question est posée.
En 1984, une nouvelle commission américaine soulignait que les Etats américains qui avaient légalisé la pornographie avaient connu la plus grande augmentation du nombre de viols, et que 81 % des violeurs-meurtriers récidivistes se déclaraient lecteurs assidus de pornographie, et animés du désir d’imiter ce qu’ils y voyaient.
Toujours aux USA, le tristement célèbre Ted Bundy, exécuté pour le viol et l’assassinat de 28 jeunes femmes, apporta dans ses confessions une confirmation spectaculaire de l’impact de la pornographie sur une personnalité issue d’un milieu familial sain, et a priori dénuée de pathologie psychique : « Il fallait que je voie des images toujours plus violentes, plus descriptives. C’est comme une drogue, tu conserves une excitation insatiable jusqu’au point où la pornographie ne peut plus te satisfaire« .
Les images, maintenant banalisées, auxquelles on ne peut plus échapper tant elles entrent insidieusement dans notre vision quotidienne, font des jeunes les premières victimes.
On peut se demander ce qui motive, sur un plan collectif, une telle invasion d’images à caractère pornographique.
On ne peut y échapper ni dans la presse, ni à la télévision, ni au cinéma, ni sur Internet, ni dans les publicités où le porno chic envahit les espaces (la maison Gucci affiche une femme avec le pubis rasé en forme de G, un homme à ses pieds en position suggestive, ou Dior, avec deux femmes dégoulinantes de sueur dans des postures évocatrices – mai 2004).
Les sexologues reçoivent de plus en plus d’hommes pour des difficultés liées à une angoisse de performance qui se traduit par des problèmes d’érection et d’éjaculation.
Des psychiatres constatent de véritables comportements addictifs et leur effet dans un passage à l’acte. Ils n’hésitent pas à en dénoncer l’influence sur des comportements criminels. C’est plein de bon sens : les théories les plus élémentaires sur l’apprentissage et le conditionnement montrent que plus on entretient une appétence au niveau du fantasme, plus elle est forte.
Pour un membre d’un groupe de travail interministériel santé-justice, le rôle conditionnant de l’image de violence sexuelle tombe sous le sens. Même son de cloche chez un expert auprès de la Cour d’appel de Paris : « Il ne fait aucun doute que la pornographie est, d’une manière générale, un facteur incitatif en matière de criminalité sexuelle ».
Autant de jugements qui, en tout cas, devraient inciter à ouvrir le débat sur l’un des aspects les plus inquiétants du pouvoir de l’image.
Ce qui ne devrait être que des « fictions délurées » devient des modèles de comportement sexuels.
La pornographie ne peut-elle fonctionner que parce qu’il y a du caché ? Plus la société est interdictrice et structurée, plus elle ferait le lit de la pornographie.
Le plan individuel et le plan collectif ne doivent pas être confondus.
Nous estimons, pour notre part, que les fondements profonds de la pornographie sont très anciens, universaux et inconscients, mais que son passage au niveau culturel marque une autre étape. Derrière cela : la dialectique du pouvoir financier au détriment des individus.
Ce pouvoir est l’un des fondements de la jouissance qui perpétue la pornographie (et la pauvreté), comme le feu se nourrit du bois sur lequel il flambe.
Demandons-nous quel genre de société est celle qui n’a pas trouvé d’autre moyen de communiquer à ses enfants ce qu’est l’amour autrement qu’en montrant comme modèle implicite de telles images.
2. Les conséquences individuelles
Les conséquences individuelles d’un tel climat sont de plus en plus de consultations en sexologie !
Premièrement pour des problèmes d’impuissance liées à l’anxiété de ne pas être à la hauteur.
Deuxièmement pour vérifier si « on est normal ».
Troisièmement, et cela nous paraît plus positif, pour des consultations d’information afin de perfectionner les rapports.
Quatrièmement – ceci est plus dramatique – pour parer à d’éventuelles pannes émotionnelles, de plus en plus de jeunes hommes se font prescrire du cialis.
En outre, des études ont montré que l’exposition à des photos ou à des vidéos modifient négativement la perception de son apparence physique et celle du partenaire ainsi que la vie sexuelle et affective (études américaines de Zillman et Bryant, 1988).
La demande quotidienne en sexologie un étayage chimique pour des individus qui n’en n’ont pas besoin mais qui ont peur. Ils passent, de ce fait, à côté d’un épanouissement érotique qui ne demande qu’imagination et volupté.
Encore une fois, l’homme est instrumentalisé et content de l’être.
Au niveau de jeunes les dégâts ne sont plus à démontrer. L’exposition précoce à de telles images cause des catastrophes psychologiques beaucoup qu’on ne le croit. Au lieu de pouvoir élaborer dans son espace imaginaire sa propre fantasmatique, l’adolescent (ou le préadolescent) prend ces images au « pied de la lettre » et avec force de loi, comme nous l’avons démontré ci-dessus.
Ces expériences restent souvent secrètes. Il nous arrive ces confidences après des années de thérapie, tant le souvenir est chargé de honte.
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Très très belle la comparaison avec les vers de Rimbaud…
La vérité au fond de soi