Extraits d’un article de sexologie sur la performance en sexualité
par Anne Floret van Eiszner, sexologue Paris 15

Que voyons-nous actuellement ?

En France, 3 millions d’hommes souffrent de troubles de l’érection, et un français sur trois est concerné par l’éjaculation précoce. L’origine en serait le culte de la performance sexuelle au dire des spécialistes, forme de néo-culture qui fait depuis quelques années de nombreuses victimes consentantes.

Ce marché touche plus spécifiquement un public masculin mais la femme se voit de plus en plus sollicitée pour manifester ouvertement sa jouissance, monter dans les décibels et comptabiliser ses orgasmes. Ce qui ne se vivait pour elle que de surcroît et dans l’intimité est touché par des incitations implicites d’exhibitionnisme ambiant.

Alors qu’autrefois « une femme honnête n’avait pas de plaisir », elle a maintenant l’obligation de jouissance, voir de jouissances multiples pour tendre un miroir rassurant à son partenaire qui, à son tour, lui renverra une bonne image.

Les premières angoisses masculines ont à voir avec la taille du sexe. Les enseignants en sexologie en milieu scolaire rapportent que la première question posée par les garçons de quatrième porte sur l’importance de la taille du sexe.

C’est ce qu’on appelle « le syndrome du vestiaire », syndrome persistant à l’âge adulte si l’on en croit les sites Internet qui promettent de gagner de nouvelles dimensions avantageuses grâce à quelques artifices (penissimo.com, maxipenis.com, gros-penis.com, penis-pro.com, monpenis.com, penilesecrets.com).

Les médias, complices, diffusent le message d’un plaisir accru grâce à ces performances. Et pour ce faire, l’individu va devoir fonctionner sur un mode artificiel, car la position même de « performance » est l’antithèse du plaisir physique.

Comme nous le montrerons plus tard, ce dernier fait appel au système nerveux parasympathique, tandis que la performance fait appel au système sympathique.

En final, il n’est jamais question de plaisir des sens, mais du plaisir que procure le regard éblouie de la (ou du) partenaire, ou du public. Il n’est pas question de sensualité, mais de narcissisme.

Pour conclure, il me parait essentiel de préciser enfin que nous parlons de position de performance plus que de performance, cette dernière étant impossible à mesurer tant elle est subjective et indicible.

Elle est d’autant plus subjective qu’elle n’a pas le même sens pour un homme que pour une femme.

Quand on parle de « performance sexuelle » à un homme, il répond en terme de capacité, trahissant sa propre identification à l’injonction subliminale de notre époque. Il va même jusqu’à préciser que ses propres performances dépendent de la partenaire.

Si nous interrogeons une femme, nous ne la sentons pas concernée par la performance.

Système nerveux sympathique et parasympathique

Qui n’a jamais entendu parler de la fameuse érection du pendu ?

Comment se fait-il également que même en plein cauchemar, donc en sommeil paradoxal, un homme puisse avoir une érection ?

Une section de la moelle épinière entraîne des réflexes médullaires très vifs. A l’état naturel, une boucle encéphalique retarde ce dernier.

En d’autres termes, cela signifie qu’en état de non excitation (à l’état naturel de non section de la moelle), le système nerveux envoie en permanence, via le système sympathique, des impulsions inhibitrices de l’érection. Le système nerveux sympathique contracte les tissus musculaires qui vont empêcher le flux sanguin de passer et donc de dilater le tissus caverneux.

Le pendant de ce mécanisme est que le système responsable de l’érection est le système nerveux parasympathique.

La rigidité de la verge est un phénomène vasculaire du à la contraction des ischiocaverneux. En cas de stimulation, l’artère augmente le débit sanguin qui dilate le tissu caverneux, lequel vient se plaquer et faire chuter le flux sortant de l’artère, d’où augmentation de la pression dans le tissus caverneux.

En résumé, nous remarquons :

  • que le système nerveux sympathique, celui qui augmente l’activité cardiaque, sécrète l’adrénaline, fait transpirer, etc., inhibe l’érection (bien qu’intervenant au moment de l’éjaculation).

  • Que le système nerveux parasympathique, intervenant dans la diminution de l’activité cardiaque, dans la relaxation, le sommeil, la digestion, favorise l’érection.

Il s’agit d’une réalité physiologique contraire aux représentations imaginaires du mâle hyperactif et conquérant. Ces « images d’Epinal », probablement issues d’observations in vivo d’animaux vivant en troupeau, confondent pouvoir et plaisir, nombre et qualité.

De surcroît, ces mâles dominants fonctionnent avec le « réflexe court » !

Première conclusion, le stress de la performance est contre-performant. A l’appui de ces constatations, le témoignage des sexologues, psychologues et médecins.

Revenons à la physiologie concernant l’appareil sexuel masculin.

Une théorie récente parle de deux sortes de réflexes.

Le réflexe court répond à une stimulation du gland par une réponse réflexe immédiate d’éjaculation, avec un influx nerveux faisant relais au niveau de centres lombaires.

Le réflexe long remonte jusqu’au cortex et profite de systèmes de représentation élaborés pouvant favoriser ou inhiber l’érection.

L’éjaculateur précoce fonctionne sur le système court. L’excitation stimule le nerf dorsal du pénis qui vient faire réflexe au niveau de la moelle épinière, ce réflexe envoie un influx nerveux au niveau de la prostate, des vésicules séminales et des muscles ischiocaverneux, ce qui déclanche une éjaculation primaire de l’ordre de quelques secondes. Ceci est réflexe.

Dans le réflexe long, l’excitation du pénis stimule le nerf dorsal, monte au niveau cortical, puis redescend. Ce nerf vient freiner ce réflexe médullaire. Ce qui permet de passer d’une éjaculation précoce à une éjaculation différée.

En résumé, nous avons deux programmes : un programme court, le réflexe médullaire, et un programme long qui va permettre de retarder le réflexe médullaire.

Cette montée encéphalique est freinée par le sympathique (le nerf de l’action, du stress, de l’adrénaline) ou activée par le parasympathique, dans le cadre de ce système long.

Deuxième conclusion, il y a confusion, pour les personnes non averties, entre le réflexe court et le réflexe long.

Le stress et les réponses corporelles

Les émotions font partie de la vie courante. Le terme d’émotion désigne des sentiments que chacun d’entre nous peut reconnaître en lui-même par introspection ou prêter aux autres par extrapolation.

Elles sont caractérisées par des sensations plus ou moins nettes de plaisir ou déplaisir. Les émotions agréables ou positives accompagnent l’anticipation ou la survenue d’événements gratifiants, les émotions désagréables ou négatives sont produites par l’anticipation de la douleur, du danger ou de la punition.

Elles ne restent pas cérébrales. Elles s’expriment par des modifications comportementales, motrices, vocales ou simplement mimiques et sont accompagnées simultanément par des modifications neurovégétatives (être rouge de colère, blanc de rage …).

A – Les réponses du système endocrinien

La recherche sur les émotions s’est longtemps appliquée à déterminer si leur expression était innée ou culturelle, si le biologique était le responsable ou la conséquence de l’émotion.

Cette question des rapports entre les modifications somatiques accompagnant les émotions n’a cessé de fluctuer entre deux interprétations.

  • l’une prétend que la réaction physiologique à un événement de l’environnement prime sur les réactions cognitives, c’est-à-dire que l’émotion résulterait de la réaction physiologique.

  • L’autre, à l’inverse, soutient qu’elles sont cognitives et que les événements cognitifs précèdent les modifications physiologiques.

Des expériences ont donc été faites en injectant de l’adrénaline à des individus. Les réponses ont montré que cela ne suffisait pas à provoquer une émotion. Donc elles sont cognitives.

Les principales hormones libérées à la périphérie lors d’émotions sont les catécholamines et les glucocorticoïdes. Elles le sont lors de situations critiques mettant en danger les régulateurs de l’homéostasie et interviennent dans deux types de réactions :

  • la réaction d’urgence

  • et le « syndrome général d’adaptation ».

La réaction d’urgence est caractérisée par une situation d’émotion intense nécessitant des ajustements physiologiques immédiats. Elle produit la libération de catécholamines (adrénaline et noradrénaline) responsables des principales modifications telles que :

  • l’augmentation de la force et de la fréquence cardiaque, l’approfondissement de la respiration et la dilatation des bronches,

  • la contraction de la rate libérant des globules rouges pour transporter l’oxygène,

  • la libération de glucose à partir des réserves du foie,

  • la redistribution du sang vers le cerveau et les muscles par ajustements vasomoteurs,

  • la dilatation de pupilles.

Toutes ces modifications prennent place entre quelques secondes à quelques minutes.

Le syndrome général d’adaptation consiste dans un premier temps :

  • en une libération des catécholamines,

  • en une libération de glucocorticoïdes,

  • à laquelle succède une phase au cours de laquelle l’organisme retrouve un nouvel état d’équilibre bien que l’action de l’agresseur soit toujours active.

  • Elle peut se terminer par un épuisement de l’organisme (maladie, dépression).

Quatre facteurs peuvent provoquer la fabrication de ces hormones :

  • la nouveauté

  • l’incertitude

  • le conflit

  • la frustration

Les conséquences du culte de la performance, plus spécifiquement de la performance sexuelle, peuvent appartenir aux deux types de réactions : les réactions d’urgence et le syndrome général d’adaptation.

Dans le premier cas l’individu connaît une situation nouvelle dans laquelle il veut « assurer » ; dans le second cas, ce sont les situations d’impuissance chronique ou d’éjaculation précoce face à des partenaires que le sujet peut vivre inconsciemment comme castratrices.

A la base se trouvent les exigences de performance que l’individu se crée ou qu’on exige de lui. Des expériences ont montré que la possibilité de rationalisation face à une situation émotionnelle diminue l’impact de celle-ci sur l’individu.

En résumé, le facteur neurovégétatif joue dans le phénomène de l’émotion et dans le processus de l’érection. Plus le contexte est rassurant, moins il y aura production de catécholamines et plus le réflexe éjaculatoire pourra être retardé grâce au circuit long. Inversement, plus les facteurs de stress sont présents, plus le système sympathique sera sollicité et plus le processus empruntera le circuit réflexe, le circuit court.

Donc, contrairement aux idées reçues, le « superman » a toutes les chances de se faire coiffer au poteau par le paresseux en matière de performance sexuelle.

B – Les réponses du système neuromusculaire

Après le psychanalyste Reich, plusieurs chercheurs, dont Laborit, se sont penchés sur les réponses du système neuromusculaire aux émotions.

Le système neuroendocrinien secrète les médiateurs chimiques que transporte le système neurovégétatif (adrénaline, acétylcholine et noradrénaline).

Le système neuromusculaire est corrélé avec le système neurovégétatif et exprime par des tensions, des blocages ou de la détente les réponses relatives aux émotions. D’où cette fameuse phrase de Laborit : la noradrénaline est l’hormone de l’«attente sous tension ».

Les conséquences observables sont de deux sortes.

Premièrement, elles touchent l’expression de l’émotion et de l’élan, donc l’action (inhibition de l’action).

Deuxièmement elles bloquent progressivement les tissus musculaires créant ainsi des zones de stases énergétiques. D’où impossibilité de vivre une sexualité satisfaisante.

Sur un plan clinique, nos observations montrent que les blocages au niveau de la zone des yeux influent de façon importante sur l’orientation de la sexualité.

En résumé, tout stress a également des conséquences au niveau de l’appareil neuromusculaire.

Il en résultera tout un système de compensations caractérielles ou de somatisations dont la sexualité souffrira, ce que nous voyons en clinique.

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